Pour ma première participation à ce forum, je ne peux m'empêcher de retranscrire un savoureux passage des Mémoires de Casanova qui m'a inspiré mon pseudonyme. Il conte une anecdote survenue au théâtre de cour, mettant en scène rien de moins que Madame de Pompadour et le Duc de Richelieu avec le fameux libertin italien :
"Le premier jour qu'on donna l'opéra il [Ndr : M. de Morosini, l'ambassadeur de Venise auquel Casanova vient de se présenter] me permit de le suivre ; c'était une musique de Lulli. J'étais assis dans le parquet [Ndr : le parterre], précisemment au-dessous de la loge où se trouvait Madame de Pompadour, que je ne connaissais pas. A la première scène voilà la fameuse Le Maur qui sort de la coulisse, et qui au second vers fait un cri si fort et si inattendu que je l'ai cru devenue folle ; je fais un petit éclat de rire de très bonne fois ne m'imaginant jamais qu'on pourrait le trouver mauvais. Un cordon beu [noble arborant, comme c'est d'usage, sa décoration dans l'ordre du Saint-Esprit sous forme de ruban] qui était auprès de la marquise me demande sec de quel pays je suis, et je lui réponds sec que j'étais de Venise.
- Lorsque j'ai été à Venise j'ai aussi beaucoup rit au récitatif de vos opéras.
- Je le crois, monsieur, et je suis aussi sûr que personne ne s'est avisé de vous empêcher de rire.
Ma réponse un peu verte fit rire Madame de Pompadour, qui me demanda si j'étais vraiment de là-bas.
- D'où donc ?
- De Venise.
- Venise, Madame, n'est pas là-bas ; elle est là-haut.
On trouve cette réponse plus singulière que la première, et voilà toute la loge qui fait une conversations pour savoir si Venise était là-bas, ou là-haut. On trouva apparemment que j'avais raison, et on ne m'attaqua plus. J'écoutais l'opéra sans rire, et comme j'étais enrhummé, je me mouchais trop souvent. Le même cordon bleu, que je ne connaissais pas, et qui était le maréchal de Richelieu me dit qu'apparemment les fenêtres de ma chambre n'étaient pas bien refermées.
- Demande pardon, monsieur ; elles sont même calfoutrées.
On rit alors beaucoup, et j'en fus mortifié parce que je me suis aperçu que j'avais mal prononcé le mot calfeutrées. J'avais l'air tout humilié. Une demi-heure après M. de Richelieu me demanda laquelle des deux actrices me plaisait davantage pour la beauté.
- Celle-là.
- Elle a de vilaines jambes.
- On ne les voit pas, monsieur, et après, dans l'examen de la beauté d'une femme la première chose que j'écarte sont les jambes.
Ce bon mot-là dit par hasard, et dont je ne connaissais pas la force, me rendit respectable et fit devenir la compagnie de la loge curieuse de moi."